Des retrouvailles sanglantes [Ft Lucy&&M2W]

Des retrouvailles sanglantes

J'avale mon petit déjeuner avec plaisir ce matin. J’avais une faim de loup et le calme de la grande salle, c’est vraiment tout ce dont j’avais besoin pour me réveiller tranquillement avant de filer en cours. Je suis pour l’instant seule à la tête des aigles, mais ça ne me dérange pas : je peux lire la Gazette à ma guise, et personne ne risque de me dire quoi que ce soit si je me sers deux fois de porridge. Qui plus est, Adrian n’est pas encore arrivé pour me faire ses blagues pourries dès le matin, alors oui, bien sûr, c’est une très bonne journée qui commence. Je pourrais même presque en chantonner si je n’avais pas la bouche pleine.

Néanmoins, j’ai sans doute pensé trop vite sur ce coup-là. Ma lecture se retrouve interrompue par un sac qu’on me lance presque en pleine figure. C’est le mien, je le reconnais. J’ai tout juste le temps de me reculer, d’ailleurs, mais je ne peux pas en dire autant pour la tasse de thé qui se trouvait juste à côté de moi. Voilà que son contenu se répand sur le sol, et je retiens un juron en me décalant pile au bon moment sur le banc. Tout se passe ensuite en une fraction de seconde : au moment où je m’apprête à demander à l’intrus ce qui vient de lui passer par la tête, mon cœur rate un battement quand je reconnais la voix accusatrice qui vient de s’adresser à moi. Molly.

Si je suis d’abord surprise de l’entendre s’adresser à moi, je le suis encore plus en observant son état. Bon, elle n’a pas complètement le visage en sang, mais elle est blessée, et je comprends bien vite que j’en suis fautive – ou en tout cas, que mon sac l’est. Je me mords nerveusement la lèvre, parce que c’est la première fois depuis bien longtemps qu’elle m’adresse la parole, et autant dire que ça sent mauvais pour moi. Personne ne veut éveiller la colère de ma sœur, et surtout pas de bon matin, croyez-moi.

« - Mince… Je suis désolée Molly sincèrement. Je ne pensais pas que ça arriverait. » Je suis sincère dans mes propos, mais très honnêtement, je crois qu’elle s’en fiche et qu’elle réfléchit déjà à la manière dont elle va me faire payer ça. Je peux sentir plusieurs regards sur nous ; j’imagine qu’on est l’attraction matinale pour les quelques chanceux qui sont venus tôt dans la Grande salle. J’imagine sans mal ce que les autres doivent se dire : les uns doivent sans doute se demander ce qui se passe, tandis que certains s’étonnent sans doute de nous voir dialoguer. C’est peut-être même une grande première pour eux. On était si proches avant ; depuis quelques années maintenant, on a pris l’habitude de se comporter comme des étrangères, sans que je ne comprenne trop pourquoi.

J’ai quand même envie de l’aider sur ce coup-là ; pas seulement pour espérer me tirer d’affaire, mais aussi pour lui prouver que je suis bel et bien désolée, même si à mon humble avis, je vais me faire envoyer bouler dans peu de temps. Tant pis, je tente quand même ma chance. « - Est-ce que tu veux aller à l’infirmerie ? Je peux t’accompagner si tu veux ! » Je lui propose en me levant, nerveuse en attendant sa réponse.

Des retrouvailles sanglantes

La situation devient de plus en plus compliquée pour moi, pas vrai ? C’est bien ce que je me disais. J’ai beau regarder à gauche ou à droite, mais je ne vois aucune tête connue pour voler à mon secours. Pas même Adrian. Je parie que ce fainéant est tranquillement installé dans la salle commune des Gryffondor, en train de ronfler comme un hippopotame. Cette image me donnerait bien envie de rouler des yeux, mais alors Molly le prendrait sûrement pour elle, et très franchement, si je peux éviter de m’attirer davantage les foudres de ma sœur, alors je ne vais pas me gêner pour tenter d’esquiver le pire. Si j’avais su que laisser mon sac dans l’escalier allait me causer autant de problème par la suite, alors je l’aurais gardé avec moi jusqu’à la grande salle, croyez-moi. J’ai pourtant vu d’autres élèves qui l’avaient déjà fait à plusieurs reprises, mais il faut croire que je n’aurais jamais dû essayer de le faire à mon tour. Avec ma chance, ça m’a porté préjudice.

Et me voilà maintenant face à une Molly en furie, et le thé qui s’est renversé a aussi tâché une partie de la jupe de mon uniforme. Je le sens bien, parce que la sensation du tissu mouillé contre la peau ce n’est pas agréable, mais je me retiens bien de m’en plaindre pour le moment. Bien sûr que je suis désolée de l’état dans lequel ma sœur est par ma faute – autant que si c’était arrivé à quelqu’un d’autre. Je ne pensais pas qu’il gênerait le passage ou que quelqu’un se blesserait. Mais alors que je présente mes excuses, je comprends à mes dépens que ce n’est pas exactement ce que Molly espère entendre. Elle me hurle encore dessus et balance une cruche d’eau sur le sol, attirant l’attention des autres sur nous. Je sens les regards des autres se poser sur nous, et je sens mes joues chauffer sous la gêne.

J’essaie de lancer un regard à mes camarades Serdaigle pour leur demander de l’aide, mais plus personne n’ose prendre la parole après que l’un de mes camarades se soit pris des tranches de pain en pleine figure par Molly. Ma sœur me montre l’état de son genou, et je déglutis quand je l’entends me menacer de faire la même chose à mon genou. « - Si tu fais ça, il y aurait quand même une différence : tu le ferais exprès, ce n’est pas mon cas . » Les mots s’échappent plus vite de mes lèvres avant que je ne puisse y réfléchir complètement, et j’affronte son regard sans –trop– trembler. J’ai reconnu mon tord et elle a le droit de m’en vouloir, mais j’ai l’impression que sa réaction est disproportionnée. Qu’est-ce que ça veut dire ? Est-ce qu’elle a fait un pari avec les autres serpents pour me mettre mal à l’aise ou pour attirer l’attention sur elle de bon matin ? Ça ne m’étonnerait même pas.

Je lui propose de l’accompagner jusqu’à l’infirmerie, en guise de bonne foi, mais c’est comme verser de l’huile sut le feu. J’écarquille même les yeux quand elle explose davantage, mais je ne m’attendais pas à sa dernière phrase. Elle me fait mal, je l’avoue, et je sais bien que c’est ce qu’elle cherche à faire. La petite Molly que je cherchais toujours à protéger et qui me regardait toujours avec de grands yeux remplis de curiosité et de malice est bien loin. Elle me manque. Une chose est sûre : elle n’est pas là en tout cas, pas dans ce corps qui lui ressemble pourtant en tous points.

« - Je pourrais me poser la même question, tu sais ? » Je lui demande avec un ton qui devient plus agressif moi aussi, même si ce n’est sans doute pas la meilleure solution pour apaiser les choses. J’ai beau être douce et réservée en temps normal, ça ne veut pas dire que je me laisse marcher dessus non plus, et encore moins par ma sœur. « - Qu’est-ce que tu veux ? Faire un scandale, alerter McGonagall ? Qu’on se retrouve toutes les deux en retenue ? Et alors quoi, tu seras satisfaite après ça ? » Ma voix commence à prendre de l’ampleur dans la salle et je sens bien qu’on nous regarde encore plus maintenant, mais très honnêtement, ça m’importe peu.