I need to understand [ELECTRA] [03.09.2025]

Electra avait une sainte horreur de la foule. Sauf quand elle en était le centre, bien évidemment. Mais là, dans ces couloirs où personne ne respectait personne, où les pieds étaient armes et les orteils victimes, elle abhorrait cette masse d’élèves. Elle évitait ces moments de rassemblement le plus possible, par esprit de survie, et avait depuis longtemps trouvé les petits couloirs, bien moins fréquentés, qui lui permettaient d’aller de cours en cours sans maudire l’école tout entière. Parfois, c’était impossible et elle bravait donc courageusement la foule, marchant d’un pas assuré et n’hésitant à dire à ceux qui traînaient qu’ils devaient se dépêcher de la laisser passer. Elle aurait aimé qu’ils s’écartent sur son passage mais tout le monde ne semblait pas saisir à quel point elle était importante.

Ce jour-là était l’un de ceux-là. Certes, le couloir avait déjà été plus rempli mais les élèves étaient plus excités qu’à l’ordinaire – la rentrée était encore fraîche dans leurs esprits. Cela donnait une impression d’effervescence qu’Electra était sûre de détester. La verte et argent prenait alors une démarche dans laquelle elle excellait : marcher le plus vite possible sans donner l’impression qu’on se presse. C’était très important car certains petits malins prenaient un plaisir fade à aller se mettre en travers du chemin de ceux qui tentaient d’aller vite. Pour l’instant, sa méthode marchait bien et elle avait fait une bonne moitié du chemin lorsque son sac se cassa et que l’intérieur se déversa sur le sol, sous le regard outré de la jeune Yaxley.

Son sac, qu’elle possédait depuis deux ans et qui venait de l’un des meilleurs fabricants du monde magique venait de se casser en deux, littéralement.

Elle allait écrire à son père, se plaindre, faire un scandale. Ils devaient la rembourser.

Ce fut sur ces pensées – qui la réjouissaient curieusement – que la jeune femme se baissa pour ramasser ses livres qu’elle empila les uns sur les autres jusqu’au moment où elle se rendit compte qu’il lui en manquait un. Parce qu’il était dans les mains d’un Serdaigle. Qui le tendait.

Electra se redressa, méfiante et reprit d'un geste autoritaire son bien.
Pourquoi, par Salazar, voulait-il lui parler ?
Elle ne le connaissait pas, il n’avait pas l’air très futé et… oh mais si, elle le connaissait. Enfin connaître était un grand mot, elle voyait de qui il s’agissait. Mais cela ne rendait pas les choses plus claires. Elle lui répondit d’un ton faussement aimable, un sourire figé sur les lèvres.

« Pourquoi ? Je suis un peu pressée, j’ai des choses captivantes à faire. Pas que ce que tu aies à me dire ne soit pas captivant mais, enfin, tu vois. »
Elle, en tout cas, elle voyait.

Il n’y avait plus rien d’amical chez Electra. La façon dont elle se tenait, les épaules fièrement mises en avant et le menton droit, relevé, transpirait l’arrogance. La verte et argent ne tenait pas à avoir l’air sympathique et elle avait bien trop conscience de ce que renvoyait son apparence pour se leurrer. Elle vit l’expression du Serdaigle changer à sa réponse. Elle ne réussit pas à savoir s’il s’agissait de la déception ou de la colère mais il n’abandonna pas comme elle l’aurait aimé. Tant pis, elle était d’humeur à enfiler une armure et à aller au combat. Et à ne rien laisser derrière elle. Surtout pas l’égo de son adversaire du moment.

Les lèvres d’Electra s’étirèrent. Un instant, elle envisagea simplement de tourner les talons et de partir pour voir sa réaction : allait-il lui courir après tel un amoureux transi ? allait-il tenter de la retenir, physiquement parlant ? Il fallait reconnaître une qualité au jeune Selwyn ; il était divertissant. Plus que ce qu’elle avait prévu. Elle ne se rappelait pas de lui comme cela et elle ne l’aurait jamais imaginé lui faire face mais, elle devait bien le reconnaître, ses souvenirs de lui commençaient à se dilater.

« A ton avis Nathanaël ? » Son prénom venait tout juste de lui revenir. Il avait un arrière-goût amer, comme celui du passé à moitié oublié. Electra n’avait pas que des mauvais souvenirs du Serdaigle. Seulement ils étaient lointains et gâchés par le sang de ce dernier et le souvenir de son erreur. « Je suis sûre qu’avec un peu d’efforts, tu pourrais trouver. » Elle faisait face à son camarade, leurs regards s’affrontaient et Electra avait sciemment prononcé sa phrase lentement, comme si elle s’adressait à un enfant ; autre tentative pour le provoquer. Au fond, elle ne comprenait pas son incompréhension. Elle était sidérée de voir qu’il se posait cette question, six ans après.

« Un petit conseil, ajouta la sixième année en se rapprochant de son interlocuteur et en lui adressant un sourire compatissant. Si tu veux une explication, la prochaine fois, n’attend pas six ans. » Electra laissa planer une brève seconde de silence avant de reprendre. « Et puis, que vas-tu me faire ? M’empêcher de partir ? Me retenir ? »

Electra n’en revenait pas : Nathanaël semblait ne vraiment pas comprendre. N’avait-il jamais entendu une seule rumeur sur elle et son amour des sang-purs ? Etait-elle si douée pour cacher les choses ? Même elle n’y croyait pas.

« Ce n’est pas de ta faute, c’est celle de ton nom.» Electra leva les yeux au ciel en prononçant cette phrase. Elle ne pouvait pas croire qu’elle était obligée de le formuler. Et même-là, elle n’était pas sûre qu’il comprenne. Elle ouvrit grand les yeux et le dévisagea l’air de dire : content ? (au fond la situation l’amusait un peu, de le voir quémander des réponses) mais, le Serdaigle reprit la parole et, cette fois-ci, réussit l’exploit de l’irriter. Il n’aurait pas dû dire cela.

Tout changea chez Electra. Son regard se fit plus dur, son expression se figea, son visage se ferma, elle se redressa, s’éloigna et croisa les bras sur sa poitrine. Lorsqu’elle reprit la parole, sa voix était glaciale.

« Vraiment ? » La menace sous-jacente n’était en rien cachée. Elle désigna du menton le badge qu’il lui montrait. « Tu me menaces de ne pas partir si je ne réponds pas à tes questions, et c’est moi qui te manque de respect ? Sans parler de mon sac qui s'est mystérieusement cassé quand tu as trouvé le courage de venir me parler. »

Elle toisa le Serdaigle du regard sans aucune marque de sympathie, si un regard avait pu tuer il ne resterait de Nathanaël que son corps, étalé sur le sol.

« Première chose, je n’ai pas à te rendre des comptes. On parlait en première année ? D’accord, et alors ? Je ne te dois rien pour autant et tu ne pourras rien faire pour changer ça. Et je fuis si je le désire mais je ne reviens pas, après, suppliant pour des explications. »