I solemnly swear that I am up to no good [LENAEL]

Léandre soupira. Cela faisait déjà deux jours qu'il soignait ce lézard, et toujours aucun signe d'amélioration. Il l'avait trouvé au bord du Lac Noir, assommé, vraisemblablement par l'une des tentacules du calmar géant. Il l'avait aussitôt recueilli et emmené à l'intérieur du château, vers son refuge préféré. Depuis son arrivée à Poudlard et sa rencontre avec un pigeon à l'aile cassée, Léandre avait installé tout le nécessaire pour aider n'importe quelle créature, magique ou non, dans les toilettes des filles du deuxième étage. Il enfermait ses affaires dans l'un des cabinets la journée, et passait ensuite la plupart de ses soirées à réparer le matériel de seconde main qu'il avait trouvé, à prendre des notes, ou à lire des bestiaires de plus en plus complets et détaillés. Plus rarement, il y abritait un pensionnaire qu'il tentait de remettre sur pieds avant de le relâcher dans son habitat naturel. C'était ici qu'il tentait également, avec les moyens du bord, d'améliorer ses compétences en matière de potions médicinales. Mimi Geignarde ne lui avait jamais posé problème. Elle s'était énervée la première fois, bien entendu, mais après avoir compris que le jeune Gryffondor partageait son dégoût de l'humanité, il était étrangement monté dans son estime. Elle se contentait donc la plupart du temps de le laisser seul, ou de l'observer en silence. Ce jour-là, elle était face à lui, observant le petit reptile aux yeux mis-clos, qui n'avait presque pas bougé durant tout le temps où ils s'étaient trouvés là. Léandre trempa ses doigts dans le bol d'eau à sa droite et fit couler quelques gouttes sur les écailles verdâtres avant d'humidifier le corps entier, le massant délicatement. A l'aide d'une pipette, il aida ensuite l'animal à boire, puis tenta à nouveau de lui présenter des insectes qu'il avait subtilisés en cours de Soin aux Créatures Magiques. Contrairement aux fois précédentes, le lézard bougea un peu, ses yeux s'ouvrirent presque entièrement et, après quelques secondes, l'insecte fut avalé.
"Eurk, c'est dé-goû-tant !"
Le Gryffondor sourit face à la grimace de Mimi, rassuré. S'il recommençait à manger, c'était bon signe. Il mit à disposition du reptile assez d'insectes pour faire un festin, et rapprocha également le bol d'eau. Il se redressa ensuite légèrement et sortit un carnet de notes. Il y consigna consciencieusement ses observations du jour et les progrès de l'animal, avant de le ranger dans l'une des poches intérieures de sa robe, bien à l'abri. Soudain, Mimi, qui avait disparu sans qu'il ne s'en fût rendu compte, arriva devant lui, ricanant.
"Le préfet arrive ! Tu vas avoir des ennuis..."
Léandre grogna et jura à voix basse. Il ferma la petite cage dans laquelle se trouvait son protégé et, d'un coup de baguette, cacha toutes ses affaires à l'endroit habituel. Il eut à peine le temps de se relever que déjà, on se raclait la gorge derrière lui. En entendant la voix qui lui demanda alors ce qu'il faisait là, il se retourna et dû lutter de toutes ses forces pour ne pas lever les yeux au ciel. Comme par hasard. Selwyn. Moins d'une seconde après avoir croisé le regard de ce prétentieux, Léandre se vit retirer 10 points. Il haussa alors les épaules. Ce n'était pas comme si ses camarades de maison attendaient quoi que ce fût de lui, et puis, il pourrait toujours leur dire qu'il n'avait simplement pas vu le temps passer et que, comme d'habitude, ce fichu Serdaigle s'était acharné sur lui.
"Bravo, Monsieur l'insigne. Si t'as fini, j'aimerais bien aller me coucher, maintenant."

Léandre regarda du coin de l’œil Mimi s’en aller, et soupira intérieurement. Il devrait se faire pardonner le lendemain, et il le savait. Vraiment, Selwynn n’était qu’une source constante de problèmes. Il se réjouissait cependant d’avoir été assez rapide pour dissimuler ses affaires, ou il aurait pu s’attirer encore d’autres ennuis. Il souffla du nez en entendant les propos du Serdaigle, le laissant parler sans dire un mot. Il le laissa même s’approcher, se retenant de toutes ses forces de lui envoyer son poing dans la figure. Lorsqu’il eut terminé ses petites plaisanteries, Léandre ricana. « Bien sûr, on va bien ensemble. Jusqu’au mariage. Évidemment. Je ferais peut-être bien de suivre ton conseil et de dormir ici. Il n’y a que les fantômes pour me supporter de toute façon ! Je ferais tout aussi bien d’épouser Mimi, elle au moins ne cherche pas à rendre tous les aspects de ma vie lamentables. Pas comme toi. »
Il cracha son venin avec une haine profonde, serrant la mâchoire. Il n’y avait pas d’autres mots pour décrire ce qu’il ressentait face au brun ; il le haïssait. Sa vue le dégoûtait. Il aurait voulu ne jamais avoir croisé sa route.
« Exactement, c’est ce que je suis venu faire. Ouvrir la Chambre des Secrets. Parce que je sais évidemment parler Fourchelang. J’ai pour projet d’aller m’enterrer avec le cadavre de ce magnifique Basilic qui pourrit sous nos pieds. Quelle différence ça ferait, hein ? Je t’en prie, surtout, n’hésite pas une seconde avant de refermer le passage derrière moi ! Après tout c’est ce que tu as toujours voulu, non ? Me voir disparaître à jamais ! Eh bien tu sais quoi ? C’est réciproque ! Maintenant fous moi la paix. J’ai pas besoin de voir ton air supérieur. »
Il se retourna finalement, une boule dans la gorge, les poings serrés. Pourquoi avait-il dit tout cela ? Il n’en avait aucune idée… Il voulait juste se retrouver seul, loin de ce cauchemar ambulant qu'était Nathanaël Selwyn.

Léandre leva les yeux au ciel. Bien sûr, Selwyn ne comprenait pas. Personne ne comprenait. Lui-même n’était pas sûr de comprendre. Sa vie était un vrai foutoir, son esprit aussi, et ses sentiments, n’en parlons pas. Ce n’était pas sa faute s’il ne pouvait s’imaginer avoir de quelconques relations amicales. Il n’avait jamais connu que l’indifférence, ou la haine. Rien d’autre ne lui était familier. Lorsque le Serdaigle attrapa son bras, Léandre se dégagea immédiatement, comme brûlé par le simple toucher du brun. Il le repoussa ensuite d’un léger coup dans l’épaule, ne supportant pas d’être trop proche de lui.
« Non mais ça va pas ? Me touche pas. Tu te prends pour qui ? On n’est pas amis, on ne le sera jamais. Fais pas semblant d’en avoir quelque chose à faire. Tu peux embêter qui tu veux, ok ? C’est pas comme si ça allait me manquer. J’ai déjà ma dose de problèmes, si je pouvais en enlever en t’effaçant de ma vie, ça m’arrangerait. »
Sans qu’il sache pourquoi, la rage l’empêchait certainement de se contenir, il n’arrivait pas à s’arrêter de parler. Il avait tenu sept années sans que quiconque n’apprenne quoi que ce soit à son sujet, et voilà qu’il s’ouvrait à celui qu’il considérait comme son pire ennemi ? Pourquoi ce soir, pourquoi lui ? Cela n’avait aucun sens.
« Bien sûr, tu te demandes pourquoi quelqu’un ne t’aime pas, hein ? Parce qu’il faut que tout le monde t’aime, t’adore, Monsieur parfait ! Eh bien dommage pour toi, il faudra que tu vives avec le fait que quelqu’un te hait. Parce que ça ne changera pas. Jamais. Je ne peux pas te supporter, je te déteste. Mais ne t’en fais pas, j’ai de l’expérience dans le domaine, alors je peux te dire ça : on s’y habitue vite. »

Léandre secoua la tête en entendant les remarques de Selwyn.
« Le Choixpeau fait ce qu’il veut, parfois ça n’a aucun sens, tu ne t’en étais pas encore rendu compte ? Il t’a bien envoyé à Serdaigle alors que tu es loin d’être un génie, non ? Et je suis peut-être vil, mais au moins tout le monde le sait, je ne le cache pas. »
Le brun sembla réfléchir, et son ton s’adoucit lorsqu’il reprit la parole, ce qui surprit le Gryffondor. Il ne se détendit cependant pas, toujours sur ses gardes, à l’affût du moindre signe d’agressivité de la part de l’autre.
« Je n’ai pas besoin d’escorte, je sais où se trouve mon dortoir, merci bien. Je t’assure qu’il ne m’arrivera rien sur le chemin, tu peux arrêter ta crise de conscience et te remettre à me détester sans aucun problème. »
En entendant la suite des paroles du bleu-et-bronze, Léandre soupira. Alors qu’il s’apprêtait à lui envoyer une remarque cinglante, pour changer, il se retint en entendant son histoire. Sa mâchoire se serra à nouveau et quelques larmes lui montèrent aux yeux, sans qu’il ne comprenne pourquoi. Il était perdu. Avait-il de la… Peine ? Pour celui qu’il pensait détester ? Non. Tout cela ne le rendait que plus misérable. Au moins les parents biologiques de Selwyn lui avaient-ils laissé une chance. Lui ne l’avait jamais eue. Il sortit de ses pensées en entendant la dernière question du jeune homme qui lui faisait face, et ne put s’empêcher de pouffer de rire.
« Quoi ? Mais qu’est-ce que ça viendrait faire là-dedans ? J’en ai rien à faire que tu aies deux pères. Je serais très mal placé pour juger une situation pareille. C’est peut-être compliqué à comprendre pour un esprit simplet comme le tien, mais ce n’est pas parce que je n’ai aucun intérêt pour les autres que je ne sais pas ce qui m’attire. Et crois-moi, ce ne sont pas les femmes. »
Finalement, il se sentait presque… A l’aise. Il venait, en moins de dix minutes, de révéler ses pensées les plus profondes à quelqu’un qu’il ne supportait pas, mais tout cela lui enlevait un réel poids des épaules, le libérait en quelque sorte. Se débarrasser de toutes ces paroles, de toute cette haine accumulée au fil des années, lui faisait un bien incroyable. Il déglutit cependant en rassemblant ses pensées pour préparer ce qu’il allait dire ensuite. Il baissa les yeux, serrant les poings autant qu’il le pouvait, se montrant vulnérable pour la première fois depuis qu’il connaissait Selwyn.
« Je te hais… Je te hais depuis le premier jour. Depuis la première fois que je t’ai vu. Parce que tu ne te rends pas compte de tout ce que tu as. De tout ce que tu es. Tu as été abandonné à ta naissance ? Au moins tes géniteurs ne t’ont-ils pas fait ressentir toute ta vie à quel point tu n’étais pas désiré, pas aimé, pas digne de quoi que ce soit. Tu vis dans une famille qui t’a choisi. Qui t’a accueilli. Tout le monde n’a pas cette chance, prends-en conscience. »
De haine, de rage, de tristesse, Léandre se laissa finalement aller, et une larme roula sur sa joue.

Léandre était totalement perdu. Qu’est-ce qui était en train de se passer, au juste ? Sa soirée prenait un tour totalement inattendu, et sa tête commençait à le faire souffrir atrocement. Il ne releva même pas la critique de Selwyn, finalement d’accord avec lui. Oui, il était un cas désespéré, il en avait conscience. Il sentit que l’autre s’approchait, et son corps était si crispé qu’il ne put pas bouger. Il se laissa faire quand il sentit qu’on remontait son visage, et fixa le regard dans celui qui lui faisait face. Est-ce qu’il voulait en parler ? Non. Absolument pas. Il n’y avait rien à dire. Et pourtant… Pourtant il avait commencé à se livrer, alors pourquoi s’arrêter maintenant ? Pourquoi continuer à garder tout ceci enfoui, alors que, pour la première fois de sa vie, quelqu’un semblait réellement s’intéresser à ce qu’il avait à dire ? Il fouilla le regard du Serdaigle à la recherche de la moindre trace de moquerie, ou de malveillance, mais rien. Simplement de… De l’inquiétude ? Ce n’était pas quelque chose qu’il était habitué à voir quand quelqu’un le regardait, alors il n’en était pas sûr, mais il était presque certain que le brun s’inquiétait pour lui. Pourquoi ? Tout cela n’avait aucun sens. Absolument aucun. Mais depuis quand quoi que ce soit dans sa vie avait un sens ?
« Je ne te fais pas confiance. Pourquoi je te ferais confiance ? On ne se connait pas. On se hait, c’est tout. »
Il avait presque murmuré ces paroles, plus pour lui l’occasion de réfléchir à voix haute, de poser un constat, que de relancer la discussion. Il fixait à présent la main tendue, hésitant. Il ne la prendrait pas, il en était certain. Il n’était pas habitué au contact physique et en était venu à en abhorrer toute forme. Quant à la proposition qui lui était faite… Il releva les yeux, les plantant à nouveau dans ceux de l’autre.
« Mais, j’imagine que si je suis avec un préfet... Il y a moins de chances que je m’attire des ennuis, non ? »
Et, pour la toute première fois, il sourit. Moins d'une demi seconde. Mais il sourit.

La tour d’astronomie ? Bien sûr qu’il y était déjà monté. Il adorait la vue qu’on pouvait y avoir sur le parc entier ou, à la nuit tombée, sur les étoiles. Mais il savait très bien qu’il n’était pas le seul à apprécier la tranquillité de l’endroit, alors il préférait le plus souvent se retirer dans les toilettes avec Mimi, où il était sûr que personne ne le dérangerait. Il enfonça ses mains dans ses poches, faisant bien comprendre à Selwyn qu’il n’y aurait absolument aucun contact physique entre eux, puis hocha doucement la tête. Après tout, il n’avait aucune envie de retourner à son dortoir, où ses camarades dormaient probablement déjà. Le sommeil ne lui venait pas facilement, ces derniers temps, alors prolonger la soirée en étant presque sûr de ne pas s’attirer d’ennuis, tout en étant dans l’un des endroits les plus beaux du château… Pourquoi pas. Les deux jeunes hommes marchèrent en silence, Léandre se concentrant sur absolument tout ce qu’il pouvait, excepté le Serdaigle qui se trouvait à ses côtés. Ils rejoignirent la tour assez rapidement, et le Gryffondor se dirigea immédiatement vers l’une des rambardes, y posant les mains. Il leva alors les yeux vers le ciel dégagé et prit la parole.
« C’est un de mes endroits préférés… Du moins quand je peux m’y isoler. L’univers, les étoiles, les planètes… Ça rend finalement tous nos troubles un peu bêtes. J’imagine que rien n’est important, quand on se rend compte à quel point nous sommes insignifiants. »
Il se tourna finalement vers Selwyn, qui n’avait pas bougé du haut des marches, et soupira. Qu’est-ce qu’il était venu faire ici, au juste ? Dévoiler ses pensées les plus secrètes à son ennemi juré ? Moins d’un quart d’heure avant, il lui avait dit qu’il le détesterait à jamais, et maintenant… Maintenant quoi ? Il se tourna à nouveau vers le vide, sachant très bien qu’il ne pourrait pas parler en regardant l’autre.
« Pourquoi ça t’intéresse ? Pourquoi soudainement tu t’inquiètes de ce qui pourrait m’arriver ? T’en as jamais rien eu à faire avant. Si t’as juste peur que je fasse une connerie, je te rassure tout de suite ; ça n’arrivera pas. Certes, je n’aime pas le fait d’être ici, d’être vivant. Mais le risque de devoir revivre tout ça pour l’éternité en devenant un fantôme me fait encore moins envie. Même si Mimi est plutôt cool, quand on la connaît. »
Il soupira, ses mains se resserrant sur la barrière tandis qu’il fermait les yeux, levant le visage pour laisser le léger vent d’automne caresser sa peau.

Léandre baissa les yeux en sentant que Selwyn s’installait à ses côtés. Lui aussi faisait des insomnies ? Eh bien, pour la première fois, ils avaient un point commun. Le Serdaigle s’allongea finalement et Léandre plissa les yeux en le regardant. Comment pouvait-il être si détendu en sa présence ?
« Mimi n’aime juste pas les gens. Et je la comprends. On n’a rien d’intéressant. De la haine, de l’indifférence, des conflits… Qu’est-ce qu’on apporte à ce monde ? Rien. Elle le sait, je le sais, ça rend nos relations plus faciles, j’imagine. »
L’atmosphère devint d’un coup plus sérieuse, et le Gryffondor soupira.
« J’en sais rien… Parce que c’est comme ça que tu as toujours agit ? Moi aussi, d’ailleurs, et ça ne nous a jamais posé de problème. »
Il se replongea ensuite dans le silence, réfléchissant aux paroles du brun. Une trêve ? Pourquoi faire ? Ce n’était pas comme si les choses pouvaient changer aussi facilement. Le côté protecteur de Selwyn l’agaçait également. Il n’avait pas besoin qu’on le protège ou qu’on s’occupe de lui, il s’était toujours très bien débrouillé par lui-même. Il rouvrit soudainement les yeux en entendant les dernières paroles de bleu-et-bronze et s’écarta de la rambarde. A mesure qu’il reculait, sa colère grandissait.
« Tu ne me connais pas. Tu n’as aucune idée de qui je suis, de ce que je suis. Tu ne sais rien. Et tu ne sauras rien. J’ai pas besoin que tu t’intéresses à moi, j’ai pas besoin d’être ton dernier projet de charité. Retourne donc à ta vie parfaite. J’aurais même pas dû te parler tout à l’heure. Va te faire voir. »
Il se retourna d’un coup et dévala les marches, se précipitant vers la tour de Gryffondor. Il n’avait pas envie de rester à la portée du Sergaigle et se devait donc de mettre le plus de distance possible entre eux. S’abriter derrière un mot de passe inconnu du brun lui semblait donc la meilleure des idées. Pour les jours suivants, il se débrouillerait.